Rock& Folk, n° 263, mai1989

Article non signé, poster central sur 4 pages, l'article est imprimé au dos.

 

MARC BOLAN

© Interpress     

Marc Bolan, défunt empereur du Glamour, a marqué le rock'n'roll d'une empreinte indélébile. Des Rita Mitsouko à Transvision Vamp, on n'a jamais cessé de lui payer son tribut.     

                      

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Voici la belle et triste histoire de Marc Bolan, le petit prince du glam-rock qui atteignit les étoiles et se réveilla si nu qu’il en mourut. Mais il y a une justice et les échos de sa musique sont aujourd’hui partout. Glamour, toujours glamour.

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BEAU BRUMMEL

Marc Feld naît le 30/9/1947 à Hackney, un faubourg populaire au nord-est de Londres. Son père, Simeon, est chauffeur-livreur, sa mère, Phyllis, vend des fruits et légumes sur un marché de Soho. Le petit Marc, qui ne s'intéresse guère à l'école, se fait offrir une batterie pour ses huit ans, et une guitare l'année suivante. A treize ans, il traîne déjà au fameux 2 l's Coffee Bar, rendez-vous des
aspirants rockers londoniens, peut se vanter d'avoir porté la guitare d'Eddie Cochran sur le plateau de l'émission télé « Oh Boy», et il sévit dans un trio de skiffle, Susie & The Hoola Hoops. Susie, alias Helen Shapiro, connaîtra son heure de gloire quelques mois plus tard avec « Y ou Don't Know».

Marc rêve également de célébrité et, influencé par la lecture d'une biographie du Beau Brummel, il se fait remarquer par son élégance. Claquant tout son argent de poche en fringues, il anticipe sur le mouvement mod naissant et gagne sa vie en étant mannequin quand il est viré du collège à 14 ans.

Grand amateur de poésie, de William Blake à Tolkien, il ne reste pas insensible à l'émergence de Bob Dylan, dont il voudrait être l'équivalent anglais. C'est ainsi qu'il adopte le pseudo de Toby Tyler pour se produire dans les folk-clubs, en 65. Une maquette lui vaut de signer chez Decca, qui le rebaptise Marc Bolan. Il y enregistre deux simples, « The Wizard » (nov. 65) et « The Third Degree» (juin 66),
qui passent inaperçus. Le premier est inspiré par la rencontrë d'un «mage », à Paris, qu'il se plaît à enjoliver, prétendant avoir été son disciple pendant dix-huit mois.
Remercié par Decca, Bolan sort un unique 45 chez Parlophone, «Hippy Gumbo» (janv. 67), sous la houlette de Simon Napier-Bell, le manager des Yardbirds.

 

MYSTIQUE

Napier-Bell s'occupe également de John's Children, un combo mod converti au psychédélisme, qui vient de virer son guitariste. La place échoit tout naturellement à Bolan, qui se joint à Andy Ellison (chant), John Hewlett (basse) et Chris Townsen (batterie) pour six mois, jusqu'en juin 67. Le groupe a un contrat chez Track, le label des Who, avec qui il tourne en Allemagne, et Bolan est présent sur
les singles « Desdemona » (interdit par la BBC pour obscénité) et « Come And Play With Me ln The Garden» (face B « Sara Crazy ChiId » uniquement).

Frustré de ne plus chanter, Marc quitte John's Children pour monter sa propre formation, Tyrannosaurus Rex, qui doit être un quintette électrique. Faute de moyens, le groupe se réduit très vite à un duo acoustique avec Steve Peregrine Took (un nom emprunté à Tolkien) aux percussions. En fréquentant la scène underground, le duo est remarqué par Tony Visconti qui le signe chez Regal Zonophone, et il reçoit le soutien de l'influent DJ John Peel.
Le single « Deborah» et l'album « My People Were Fair And Had Sky ln Their Hair But Now They're Content To Wear Stars On Their Brows » (ouf!) en mai 68 sont bien reçus, la poésie mystico-fantastique et la voix de Donovan chevrotant de Bolan plaisant aux hippies. « Prophet Seers & Sages» (novembre) confirme le culte qui entoure le duo, et une tournée avec David Bowie en première partie, début 69, scelle une amitié non dépourvue de rivalité entre le futur Ziggy Stardust et Bolan. Le LP « Unicorn », en juillet, prend ses distances avec le folk en bénéficiant d'arrangements quasi Spectoriens de Visconti sans convaincre Took, qui veut jouer une musique plus radicale politiquement. Suite à une catastrophique tournée américaine avec les Turtles, Took s'en va former les Pink Fairies.

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 GLAMOUR STAR

Took est remplacé par Mickey Finn, peintre rencontré dans un restaurant macrobiotique et ancien percussionniste de Hapshash & The Coloured Coat. Ses débuts sur l'album «A Beard Of Stars », en mars 70, coïncident avec le retour de la guitare électrique dans le musique de Bolan, qui tient également cet instrument sur le single «The Prettiest Star» de Bowie.

La mutation se poursuit avec le raccourcissement du nom du groupe en T. Rex pour la sortie du 45 « Ride A White Swan» sur le nouveau label Fly, en octobre 70. Une chanson résolument électrique perçue comme une trahison par les premiers fans, mais qui atteint le n- 2 des charts, poussée par une tournée où le prix des places est plafonné à 50 pence. Bolan atteint ainsi un nouveau public, très
jeune et majoritairement féminin. Après la sor~ie de l'al~mm «T. Rex », en décembre, il engage une vraie rythmique comprenant Steve Currie à la bass~ et Bill Leg~nd (du no~ de son groupe précédent, avec MIckey Jupp) a la batterie.
La T. Rexmania est en route. « Hot Love» et « Get It On » sont n- 1 des singles en 71, comme l'album «Electric Warrior» dont est encore tiré le 45 «Jeepster» (n- 2), contre l'avis de Marc. Le look androgyne et maquillé de Bolan est abondamment copié, donnant naissance à ce que les Britanniques appellent « glam-rock » (de gl~mour), et son énergie réintroduit le fun dans un rock qUI a trop tendance à se prendre au sérieux.

A l'apogée de sa gloire, T. Rex obtient d'avoir son propre label chez EMI inauguré avec «Telegram Sam », n- 1 début 72 comm~« Metal Guru» en mai. Deux concerts à Wembley en mars, devant des foules délirantes, .sont filmés par Ringo Starr pour le film « Born To BoolSIe» auquel participe également Elton John. Et Fly, l'ancien label, ne se prive pas de rééditer les deux premiers LP's de Tyrannosaurus Rex en un double album et de sortir la compilation « Bolan Boogie » (tous n- 1) pour exploiter le phénomène.

 ELF OBESE

 Les hits continuent à venir avec « Children Of The Revolution» (sept. 72), « Solid Gold Easy Action» (déc. 72), « 20th Century Boy» (mars 73) et «The Groover» (juin 73) sans oublier les albums «The Slider » (août 72) et «Tanx» (mars 73), mais la formule magique commence à s'épuiser. Bowie, Roxy Music, Slade, Gary Glitter et Sweet concurrencent dangereusement T. Rex sur son propre terrain, tandis que Bolan s'épuise à vouloir conquérir vainement l'Amérique et se disperse en jouant avec Alice Cooper sur le LP «Billion Dollar Babies » et avec Ike & Tina Turner sur « Nutbush City Limits ».

Coupé de son public, Marc ne place plus ses 45 dans le Top 10, et l'album «Zinc Alloy & The Hidden Riders Of Tomorrow », en février 74, ressemble a une imitation de «Ziggy Stardust» de Bowie. Exilé à Monte-Carlo, puis aux USA pour échapper au fisc britannique, Bolan se sépare de sa femme, June Child, qu'il avait épousé en 70, pour vivre avec la chanteuse noire américaine Gloria Jones
(la créatrice de « Tainted Love ») qu’il avait embauchée comme choriste. Déprimée, l'idole déchue se met à l'alcool et à la coke, grossit, et la presse ne manque pas de se moquer de celui qu'elle décrit maintenant comme un elfe obèse. Son entourage se lasse de ses caprices, Tony Visconti, producteur fidèle, le laisse tomber et T.Rex connaît d'incessants changements de personnel jusqu’au départ de Mickey Finn, fin 74, qui marque sa séparation officielle. .
Comme son titre l'indique, le LP « Bolan's ZIp Gun », qui sort en février 7 5 est censé être considéré comme une œuvre solo de Marc. Mais cela ne l'empêche pas de réutiliser le nom de T. Rex dès qu'il repart en tournée anglaise, au bas de l'échelle, en visitant les stations balnéaires.

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DANDY

Pas découragé, Bolan demeure persuadé qu'il peut réussir un come-back. La sortie de l'album «Futuristic Dragon», début 76, est appuyée par une vraie tournée, et l'émergence du mouvement punk le stimule. En meilleure santé, il se stabilise, produit un LP de Gloria Jones, «Vixen », et il lui fait un enfant, Rolan, qui naît en septembre. Interviewé par l'acteur Telly Savalas (« Kojak ») dans le show télé « Today », il lui retourne les questions, ce qui lui vaut d'être engagé pour quelques émissions où il reçoit Angie Bowie, Keith Moon, John Mayall et Stan Lee (le mentor des Marvel Comics).

Le come-back espéré se confirme avec l'album « Dandy ln The Underworld », début 77, qui voit Bolan inaugurer son nouveau look de « Marco Bolantino », cheveux courts gominés et costard noir. «Parrain du punk» auto-proclamé, il emmène les Damned en tournée avec T. Rex, et le single « I Love To Boogie » se classe n° 13. Un show télé hebdomadaire dont il est l'hôte, « Marc », sur la chaîne commerciale Granada, doit achever de relancer sa carrière. On peut y voir les Jam, Generation X, les Boomtown Rats et son vieil ami David Bowie qui y chante « Heroes » en avant-première.

 Le destin ne laissera pas le temps à Bolan de profiter de ce retour à l'avant-scène. Le 16 septembre 1977, sa Mini mauve, conduite par Gloria Jones, se crashe contre un arbre, le tuant sur le coup juste avant qu'il n'ait atteint les 30 ans.

 Star fragile et fugitive, Bolan ne sera pas oublié. Nombre de ses chansons seront reprises (par Siouxsie & The Banshees, Bauhaus, ou le Power Station), tranches d'éternité pop et d'urgence sexy que le temps ne peut entamer.
Glamour, toujours.

DISCOGRAPHY

Bolan:  « You Scare Me To Death« , paru en 1981, et « The Beginning Of Doves « , sorti en 74, ont beaucoup de titres en commun, "issus de maquettes acoustiques de 66 (+ démos de John's Children et Tyrannosaurus Rex de 66/67 pour le second Lp). Un accompagnement posthume façon T. Rex, peu défendable éthiquement mais bien fichu, a été ajouté à «  You Scare Me « . Résultat jouissif et assez étonnant.

Tyrannosaurus Rex:  « My People Were Fair… » et « Prophets… «  ont plutôt mal vieilli, Bolan en rajoutant dans les maniérismes hippie et poussant sa voix jusqu'à la rendre parfois agaçante. «Unicorn «, plus enrobé, et « Beard Of Stars « , un peu plus direct, tiennent plutôt mieux la rampe.

 T. Rex:  Encore un peu léger, «  T. Rex «  est un album de transition assez brouillon, avant l'avènement de «  Electric Warrior « et «  The Slider « , perles de pop métallique. «  Tanx  » et «  Zinc AIloy…» tendent vers l'autoparodie, «  Zip Gun Boogie » et «  Futuristic Dragon » (compilés aux USA sous le titre «  Night Of Love » (sic)  flirtant mollement avec un soul-rock peu convaincu. «  Dandy ln The Underworld » est plus purement rock et énergique. De nombreuses compilations existent également, et les LP's posthumes « Across The Airwaves » et «  ln concert » contiennent des Inédits.

LE MEILLEUR ALBUM

Dix-huit ans après sa sortie, «  Electric Warrior » est toujours un album excitant, nerveux et sans un gramme de graisse. La voix limitée mais pleine de charme de Bolan brille sur des perles comme «  Get It On » (inspiré du «  Little Queenie » de Chuck Berry) et «  Jeepster » , et son jeu de guitare sans esbroufe fait constamment passer des frissons de plaisir. Les arrangements judicieux de Tony Visconti contribuent à donner au son un moelleux qui n'exclut pas l'urgence. Le «  Bolan Boogle »  dans toute sa splendeur. Souvent imité, jamais égalé.

 

 



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