Nous sommes en 77. J'ai 17 ans et je ne me rappelle plus comment j'ai appris la nouvelle : je crois que que c'est mon frère qui l'avait su le premier, en lisant 'Rock et Folk';... Mais tout à coup, les murs se couvrent d'affiches jaune et rouge de Marc Bolan annonçant un concert au Macumba !
Une totale excitation mêlée d'angoisse me gagne. ( Est-ce possible ? Marc, Le Marc Bolan de T.Rex qui a joué les plus grandes scènes du Monde : Wembley, au Japon, en Australie, aux USA...qui joue ici dans ma bonne ville de Nantes et sur une scène aussi confidentielle !). Je n'avais pas de voiture et la discothèque était à 20 kms, le long de la voie qui mène à La Baule. Heureusement j'ai pu décider un de mes amis qui lui était motorisé.
L'ex-Macumba ( L'Atlantide, aujourd'hui ) en 1999
Nous avons acheté les tickets dans une boutique de fringues (?!) qui se révéla appartenir au propriétaire de la boîte. Je discutai un peu avec ce dernier ce qui me permit d'apprendre quelques détails sur les exigences du groupe pour jouer ici : je ne sus rien sur le prix à payer mais j'appris leurs exigences en matière de taxis, restauration,etc... il ne me restait plus qu'à attendre en priant pour que le concert ne soit pas annulé. Il faut savoir qu'à cette époque, et même encore maintenant, Nantes n'est pas une ville très 'Rock n Roll'.Les grands noms jouent rarement ici, bien que j'ai pu voir David Bowie en 97, Bob Marley, Supertramp et U2 au fil des années.
Comme je n'avais que 17 ans et que je faisais mes études, il n'était pas question que mes parents me laisse aller voir T.Rex ailleurs qu'à Nantes, c'était donc bien une sorte de petit miracle ! La veille du concert Marc Bolan est passé sur une émission télé du mercredi après-midi ( 1 sur 5 ). Il fit un play-back sur 'I love to boogie' et 'Telegram Sam'. Le présentateur, un peu 'gentil' lui demanda surtout de lui parler du mouvement punk. C'était super de voir Marc à la télé..bien que je ne compris que la moitié de ce qu'il répondait. Depuis 1972 que j'étais fan, les occasions n'avaient pas été bien nombreuses !
Enfin ce fut le grand jour !
Mon ami, alain, nous conduisit à la boîte. Je portais une veste en laine, à carreaux, type un peu canadien, qui devait être la mode de l'époque, mais dont ma femme me dit plus tard que c'était une vraie horreur ! L'un d'entre-nous avait caché un petit magnéto mono sous sa veste et il put entrer sans le moindre problème. Bien sûr magnétos et appareils photo étaient interdits et c'est pourquoi je n'avais aucun des deux. Idiot que je suis ! Je suis sûr que Marc n'aurait rien dit pour les photos ( même si je pense que le magnéto ne lui aurait sans doute pas plu ).
En attendant l'heure H, nous avons dansé sur la scène, au milieu des roadies qui accordaient les guitares, réglaient les amplis etc...Nous dansions juste à côté des instruments ! j'aperçus alors sur les amplis et la batterie des notes manuscrites avec le détail des morceaux à jouer ( Jeepster, Visions of Domino, New York City, Soul of my suit, Groove a little, Telegram Sam, Hang-ups, I love to boogie, Dandy in the underworld, Hot Love et Get it on ). A cette époque je n'avais encore jamais vu d'échantillon de l'écriture de Marc mais, après coup, je suis presque sûr que c'était lui qui avait écrit ces notes. J'en pris une pour la voir de plus près et je me suis fait virer par un roadie, sans le précieux papier, bien sûr ! On ne peut pas dire que cette boîte était faite pour accueillir des concerts. Des fauteuils entouraient les tables disposées en arc de cercle devant la piste de danse. Nous nous sommes installés, en plein milieu du premier rang ! En fait je pense que j'étais peut-être bien ce soir là le seul vrai fan de T.rex présent. Une bonne partie des spectateurs était là, sans doute par hazard et était surtout venue danser. Nous n'étions pas nombreux,peut-être 200.
Après une attente interminable , des applaudissements se firent entendre : les musiciens et le plus prestigieux d'entre-eux arrivaient sur scène par une allée qui traversait le public ! Il était là ! Mon dieu, un gamin de 17 ans était sur son nuage ! Marc était là, juste devant moi, à 3 ou 4 mètres maxi ! Il portait un costume vert et avait une Les Paul noire ou rouge très foncé.
Le show a commencé... Cà ne devait pas être facile pour le groupe. Les applaudissements étaient plutôt rares...
Rien à voir avec la T.Rextasy. Moi, je n'osai pas bouger ou faire du bruit, j'étais très intimidé... Rapidement marc sembla désapointé, il n'était pas capable de parler Français et se faire comprendre. Je suis sûr qu'il aurait aimé qu'on se mette à danser, mais tout le monde resta bien sagement assis. La direction du club avait demandé avant le show qu'il en soit ainsi, afin que chacun puisse bien voir. L'atmosphère était donc étrangement distante et polie. Marc dit alors qu'ils n'étaient pas vraiment habitués à jouer dans des clubs...
Néanmoins le show fut plutôt très bon, ils jouaient vraiment bien ensemble, se sentaient bien. Celà était finalement très proche des shows qui allaient avoir lieu en Mars en Angleterre. A un moment le strap de Marc a glissé ! 'The show must go on' Marc appuya sa guitare sur sa cuisse et continua son solo comme si de rien n'était. Très pro ! Bien sûr, un roadie ne fut pas long à monter sur scène et à refixer la guitare récalcitrante. Au début de 'Hot Love' je me décidai enfin à crier et taper dans mes mains. Alors Marc m'a regardé et souri en me remerciant et moi j'ai répondu 'Y'a pas d'quoi !' Cà l'a fait rigoler, moi je bichais ! Il n'y a pas eu d'encore. Le groupe a quitté la scène comme il y était venu : au milieu du public après nous avoir fait au-revoir.
Tout d'un coups celà me parut bien trop court !
Je me mis à tourner en rond, sans but précis, dans la discothèque, avec mes amis. il m'a semblé remarquer ce qui pouvait bien être des fans Anglais, dans le fonds de la boîte mais un Anlais incertain doublé d'une juvénile timidité m'empéchèrent de m'en assurer. Et puis, à un moment, un de mes copains est revenu en disant qu'il avait trouvé la loge. Nous fîmes le siège de la porte qui fut aussitôt refermée pendant que Marc et le groupe se changeaient. Mais un roadie nous laissa alors entrer ! Les Français se serrent naturellement la main, c'est pourquoi je n'hésitai pas une seconde pour présenter la mienne à Marc Bolan,qui me rendit ma poignée de mains, toutes dents dehors dans un large sourire. je réussi à balbutier que j'étais si content de le rencontrer après toutes ces années passées à l'admirer ! Ensuite j'ai serré la main de tous les musiciens. Gloria Jones, l'amie de Marc, était là aussi. La timidité me paralysait à nouveau et je ne savais pas trop quoi dire. De plus je ne comprenais que la moitié des réponses. Je me rappelle avoir demandé à Gloria si un nouvel album allait bientôt sortir ( un T.Rex évidemment ) et elle de répondre 'Oh oui ! il s'appellera '...( ce que je ne compris qu'une fois qu'il fut effectivement sorti ) Vixen' ( il s'agissait du sien ).
En fait, la loge était composée de deux pièces, en enfilade. A ce moment précis, Marc était dans la seconde, puis il nous rejoignit. Il portait sa veste rouge avec des pièces en léopard aux épaules et aux manches. Il m'invita alors à partager le poulet froid et les boissons qui leur étaient réservées et je ne me fit pas prier pour manger un morceau avec mon idole. Puis Marc retourna dans le hall semblant attendre quelque chose : en fait le taxi qui devait les emmener. Il portait un manteau vert ou gris, je ne sais plus, jeté sur ses épaules, par dessus la veste rouge. Je me tenais juste à côté de lui et Gloria était aussi à mes côtés. A cause du vacarme ambiant, j'étais obligé de me pencher vers son oreille pour qu'il puisse m'entendre. A un moment, mon nez a rencontré ses cheveux. Waou !
Je lui demandai si le 45 tours qui venait de sortir en Angleterre 'to know you is to love you' devait aussi sortir en France et il me répondit par l'affirmative. Alors je lui parlai de Caroline Coon, le critique de l'époque pour le Melody Maker, qui avait esquinté ce 45 tours peu de temps auparavant. ( pas très habile,...j'aurai mieux fait de me taire' Il me répondit quelque chose comme ' C'est un gros sac de merde !' ou du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre. Finallement le chauffeur de taxi est arrivé et a demandé pour sa course. Marc me fit au-revoir et ils disparurent.
Pas le moindre instant je n'ai pensé à demander un autographe ou à prendre une photo ( de toutes façons je n'avais pas d'appareil ) Alors je suis retourné à la loge et j'y ai avisé une serviette de toilette d'hôtel. Un roadie m'a demandé ce que je faisais et j'ai répondu que c'était Marc qui me l'avait donnée. C'était faux bien sûr, mais au moins je suis reparti avec ! J'ai aussi récupéré le poster de la tournée, collé sur un mur de Nantes, de nuit. Il a fallu que je le découpe au cutter, mais là aussi je l'ai gardé et il figure en-haut de la page 'concert' de ce site.
Ces souvenirs sont tout ce qu'il me reste de cette merveilleuse soirée à part, bien sûr, la cassette audio que j'ai précieusement gardée !
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© Pierre Champion 1999