Paris Match n°1257

Juin 1973

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Bolan, the singer and guitarist from the band T. Rex, aged 26, married, was the first to wear make-up. His fans are « Teeny Boppers » (aged 12 to 16) who never knew the Beatles.

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By that time, in 1966, Marc Bolan and his band Tyrannosaurus Rex (20 millions records sold within one single year) were, along with Pink Floyd, the misunderstood kings of the London Underground scene. One day, Marc Bolan fell back to earth, "He had a bad trip" as they say in their pop language : all of his friends were becoming incredibly rich stars. He then invented this ambiguous character that he is now, and pinching a chord on his guitar - he's a bad guitarist actually- wrote his first hit : «Get it on» ; quickly followed by a dozen more that sound strictly similar. With Bolan, pop concerts are big happenings of collective hysteria.
And, just at it was with the Beatles, the musicians can't even hear what they're playing!

Bolan, the first idol of the seventies, enabled a new rise in singles sales, while previously they had fallen steeply. Even the old Melody Maker sold 50 % more by simply but quite often showing the cute Marc Bolan, in sexy poses,on their front page.

 

 

LES BEATLES SONT LOIN

Il y a dix ans, les 4 musiciens qu'on appelait ainsi avaient choqué ... Voici ce qu'est devenu leur héritage.

 

Une crinière frisottée jusqu'aux épaules, un maquiIlage équivoque mi-papou mi-travesti, des costumes taillés sur mesure dans le cuir, le seatin et les paillettes, des bottes à semelles patins: c'est le portrait robot de la nouvelle idole pop qui a pris la relève des Beatles. Pendant sept ans, de 1963 jusqu'à leur séparation en 1970, les « Fab four » de Liverpool et leurs cheveux longs ont fasciné les adolescents et scandalisé les parents dans tous les pays du monde. Ils font aujourd'hui figure d'enfants de chœur. Leurs successeurs utilisent à fond leurs connaissances musicales auxquelles ils ajoutent les dernières découvertes de l'électronique. Ils réunissent ainsi deux publics : les nostalgiques des Beatles et  ceux qui sont trop jeunes pour les avoir connus.

Les champions de la pop music considèrent que les hurlements, les évanouissements collectifs font désormais partie de leur spectacle: «Frapper fort, c'est ce que les «kids» nous demandent », disent-ils. Pour eux, il faut que le délire soit aussi dans la salle.

Bolan, chanteur guitariste du groupe T. Rex, 26 ans, marié, a été le premier à se maquiller. Son public: les « Teeny Boppers » (12 à 16 ans) qui n’ont pas connu les Beatles.

 

DIX ANS APRES, LE SEXE EST DANS LE POP

Et les groupes à la mode se déplacent maintenant avec 26 tonnes de matériel.

Les cheveux des Beatles font maintenant sourire, en comparaison des crinières des idoles actuelles de la pop music, épaisses et bouclées'! Entre deux mèches, des yeux cernés de noir ou de mauve, des lèvres peintes, les regards ont l'éclat chatoyant des vêtements constellés de paillettes, vêtements judicieusement. rembourrés, d'ailleurs.

Ce qui passionne les teenagers d'aujourd'hui, ce sont les nouvelles idoles sélectionnées par eux, qu'ils rendent célèbres, des idoles qu'ils créent et sur lesquelles ils estiment avoir un obscur droit de propriété. Il fallait quelque chose de nouveau pour les sortir de ces trois années de marasme.

En 1970 en effet, les quatre garçons de Liverpool, John Lennon, Paul McCartney,
George Harrisson et Ringo Starr s'étaient séparés. Ayant cessé de donner des concerts,
ils avaient perdu cette force régénératrice qu'est le contact avec le public et aujour-
d'hui le charme est rompu. C'est d'autant plus dommage que la « beatlemania» d'hier
renaît de ses cendres au moins sur le marché du disque: la réédition de deux doubles
albums remet les Beatles au premier plan de l'actualité et propulse ceux-ci en tête des
ventes en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.

Aujourd'hui, un public d'experts de plus en plus exigeant a une idée très précise de ce
qu'il vient de voir ou entendre. Une mauvaise sonorisation, l'oubli ou la suppression
d'un jeu de scène ou d'un morceau connu peuvent décider du succès ou de l'échec
d'un « show». Le guitariste Greg Lake reconnaît qu'en concert, il vaut mieux jouer
les morceaux que le public connaît déjà parles disques et n'introduire de nouvelles compositions que dans la faible proportion de 10 %.

Pour Emerson Lake and Palmer (E.l.p.), c'est cette humilité qui fait la grandeur des groupes et leur permet de progresser. Ils puisent leurs forces dans le public, dans la communication, dans l'échange qui s'établit entre les musiciens et les jeunes qui viennent les écouter, dont ils font partie, dont ils sont les porte-parole.

Ce besoin d'affronter le public d'une part, et la sophistication des enregistrements en studio d'autre part, obligent ainsi les groupes à déployer de plus en, plus d'efforts lors de leurs tournées.

E.l.p. qui comme tant d’autres est venu à Paris grâce à R.T.L. se déplace avec sa propre scène afin d'avoir tous les soirs la même acoustique. Pour s'occuper des 26 tonnes de matériel estimé à 750000 dollars, le groupe emploie 46 personnes, de l'ingénieur du son qui ne s'occupe que de la trentaine de
micros, dont 18 autour de la double batterie, aux « roadies »(chaque musicien a son propre roady qui ne s'occupe que de ses instruments, Lake utilise 6 ou 7 guitares différentes par concert, acoustique, sèche ou basse).

Pour rentrer dans leurs frais, les groupes doivent jouer au minimum devant 20000 personnes. Ce qui les oblige à être dix mois sur douze en tournée, la plupart du temps aux U.S.A. où l'on ne peut faire une tournée de moins de six semaines si l'on veut vraiment couvrir tout le pays à cause du découpage des stations de radio, et au Japon qui s'ouvre depuis peu à la musique Pop (E.l.p., lors de son dernier passage à Osaka a failli être lynché par des milliers de fans exaspérés par un service d'ordre complètement débordé).

C'est donc aujourd'hui une nouvelle fonction de stars : les journalistes ne dissertent plus sur leur musique, mais sur leurs phantasmes, leurs caprices. Les musiciens vedettes s'efforçaient de ne pas défrayer la chronique, maintenant tout le monde sait tout de la vie des nouvelles idoles. David Bowie a engagé un styliste japonais qui, lui dessine ses costumes (il en utilise douze par soirée). Le lord maire de Wolverhampton a remis aux cinq Slade, fils d'ouvriers, les clés de sa cité car « Slade a mis Wolverhampton sur la carte du monde » .

Sur scène, le traditionnel concert pop devient un véritable spectacle, la musique étant souvent sacrifiée au visuel à l'aide de bandes pré enregistrées. Alice Cooper a ainsi tout le loisir de glisser son python dans son entrejambes, Iggy Pop de se jeter dans la foule hurlante de Détroit, qui arrache ses vêtements, David Bowie enfin de terminer son spectacle seulement vêtu d'un cache (?) sexe, après une chanson où le héros est tour à tour appelé « il » et «elle». (« Lady stardust », « Lady poussière d'étoiles».)

La pop music est devenue une sexualité ambiguë. La plupart des nouvelles idoles cultivent, en effet, l'aspect hermaphrodite. Aux concerts, les premiers rangs sont invariablement occupés par les travestis vedettes de l'endroit, qui osent enfin sortir de leurs cachettes. Derrière eux, des filles de quinze ans piquent des crises nerveuses car elles veulent « en voir davantage », tandis que les garçons sont irrésistiblement attirés par ces êtres troublants qui leur envoient des baisers.

La pop et le sexe ont toujours fait bon ménage. En 1963, les Rolling Stones chantaient « Je veux faire l'amour avec toi », mais cette tendance était dissimulée par la candeur 'naïve des Beatles qui triomphaient en psalmodiant « Michelle, ma belle» ou « Je veux tenir ta main ,». La pop music ne devint sérieuse qu'ensuite avec des instrumentistes de grand talent (Jimmy Hendrix, Eric Clapton). Puis ce fut l'ère de la « défonce» celle de Wight et de Woodstock jusqu'aux groupes qui allèrent jusqu'à célébrer des messes noires sur scène (Black Widow). Cela devenait d'autant plus inquiétant que l'on « fumait » beaucoup dans le public.

A l'époque, en 1966, Marc Bolan et son Tyrannosaurus Rex (vingt millions de disques en une année) étaient avec les Pink Floyd les papes incompris de l'underground londonien. Un jour, Marc Bolan est revenu sur terre : il a « flippé », comme l'on dit dans le langage pop : tous ses amis devenaient de richissimes stars. Il se composa ce personnage équivoque qu'il est aujourd'hui et, pinçant un accord sur sa guitare - dont il -joue d'ailleurs fort mal - il écrivit son premier tube, «Get it on» ; bientôt suivi d'une douzaine d'autres qui lui sont exactement semblables. Avec Bolan, les concerts pop redeviennent de grandioses moments d'hystérie collective.
Et comme au bon vieux temps de la beatlemania, les musiciens ne s'entendent plus jouer! Bolan, la première idole des années 70, fit remonter les ventes de 45 tours alors qu'elles avaient baissé dans des proportions effarantes, et celles de la presse musicale : le vénérable Melody Maker (anglais)
augmenta son tirage de près de 50 % en étalant régulièrement à  sa « une» les poses aguichantes du mignon Marc Bolan.
Quant aux « Décadents », si ce ne sont pas des anges, leur personnalité suffit à capter l'attention de milliers de garçons et de filles. Ce sont de véritables showmen, entourés de mystère.

« De quelle planète viens-tu donc? » demande-t-on à David Bowie. Leader incontesté du mouvement « Décadent », son succès est d'ores et déjà le plus important des années 70, car il marque la fin de la
pop music inspirée des Beatles, avec de nouveaux thèmes d'inspiration et l'intégration dans son rock d'un jazz d'avant-garde.
Bientôt, d'autres groupes étrangers font leur apparition : comme les « New York Dolls » (« Poupées new-yorkaises ») chez qui l'ambiguïté sexuelle est 'Plus vive que jamais et qui se placent sans anachronisme dans le monde de la pilule, de l'éducation sexuelle, des produits de beauté pour hommes.

Il existe cependant une autre catégorie d'idoles, de musiciens, qui auront droit de cité dans les années à venir. Et ils sont irréprochables. Exemple Keith Emerson, leader du trio anglais E.l.p. Authentique virtuose de piano, il est aussi un pionnier de la musique pop sérieuse et d'avant-
garde, en même temps qu'un excellent showman. Au cours de ses concerts, il improvise sur Bach, se rue au tableau de commande de son moog synthétiseur (machine électronique qui permet d'obtenir
des milliers de combinaisons sonores), s'en sert pour interpréter magistralement un thème de Moussorgski, avant de planter d'énormes poignards dans le clavier de son vieil orgue. Ces artifices font que le public écoute volontiers les rythmes bourrés d'énergie que le musicien invente.

C'était pratiquement impossible de rester Beatles pendant plus de sept années. John Lennon résuma assez bien leur désenchantement.: «J'ai renvoyé ma médaille de M.b.e. parce que j'en avais assez de toute cette hypocrisie qui entourait les Beatles ; de ces photos souriantes. Avant d'être décorés, nous avons fumé un « joint) dans les toilettes de Buckingham ! »

Ce charme faisandé, mais bon enfant, les jeunes n'en veulent plus. Ils veulent recevoir des émotions fortes de Ieurs artistes, quitte à se noyer dans la bière des boîtes minables du samedi soir.

Dommage ? Certainement pas. Les nouvelles et flamboyantes idoles sont là, aussi
représentatives que l'étaient les Beatles. Et de jeunes musiciens issus de la pop music, comme ceux du groupe anglais Yes, ou d'E.l.p., sont en train d'écrire ce qui sera sans doute considéré comme la musique classique électronique du XXe siècle par les hommes du futur.

 

 

 

 

lisez aussi (see also) Paris Match 1203, mai 1973

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