A L'OLYMPIA

 

Pop Music - Hebdomadaire - 20 mars 1973 - N° 132

T.REX : A L'OLYMPIA

Je croyais trouver l'Olympia prêt à s'écrouler sous le nombre des jeunes gens dûment maquillés et pailletés impatients de pénétrer dans le temple des musicoramas, mais non, rien. Quand j'arrivai, c'est à peine si l'on pouvait deviner qu'il y avait ce soir-là un concert exceptionnel. La T.Rextasie, qui réussit à secouer l'Angleterre, ne semble pas encore avoir atteint notre rivage, si toutefois cela doit se produire. Un public jeune s'était malgré tout déplacé en assez grand nombre, la salle était quasiment pleine, mais pas dans les proportions que l'on a connues encore récemment avec Alice Cooper. Le problème vient évidemment du fait que seuls les spectateurs de moins de dix-huit ans apprécient Max (sic) Bolan, l'idée que celui-ci n'est qu'une pop-star passagère et sans importance restant malheureusement ancrée dans l'esprit des plus agés, ceux qui ont bien(?) connu Tyrannosaurus Rex.

L'image actuelle de Marc s'adresse directement aux plus jeunes, volontairement. mais les fans de la première heure, les vrais, savent que l'évolution du groupe fut graduelle et constante, et restent fidèles; ils sont malheureusement peu nombreux! Pourtant, il est évident, au fil des albums et des concerts, que Bolan, un temps guitariste solo dans un groupe de rock, John's Children, est peu à peu revenu à ses "premières amours", la musique électrique. La sophistication, pour lui, ce n'est pas T.Rex, mais c'était bel et bien Tyrannosaurus Rex! Petit à petit on a vu Bolan apporter une guitare électrique dont il ne se servait plus qu'à la fin de ses concerts, puis dont il se servit de plus en plus. On vit alors apparaitre un bassiste, pour étoffer le son, puis un batteur. La réduction du nom marque malgré tout un changement, c'est la volonté de vendre des simples plutôt que des albums. Les 33 tours de Tyrannosaurus Rex se vendaient bien et, croyez-moi, ce ne sont pas uniquement des motifs commerciaux qui ont poussé Bolan à modifier l'orientation de sa musique.

Mais il s'est rendu compte de ce qu'était le caractère véritable, profond, de la Pop Music. Ce qui était poétique dans les paroles du groupe première manière reste dans les textes des nouveaux morceaux, mais l'accent est mis sur la sensualité de la musique, l'importance capitale du rythme, le besoin d'image du public. Bolan s'est amusé à créer un mythe, voilà la poésie dans la vie, pas seulement au niveau des textes! C'est lui qui a ouvert la voie à David Bowie, à Slade, à Roxy, à Silverhead,etc.. Même Rod Stewart n'est plus le même. Sa technique vocale, un trémolo monstrueux, est, elle aussi, copiée, imitée, plagiée, de Ray Dorset à Roger Chapman! Marc Bolan n'est donc pas un traître, mais un précurseur maltraité par ceux qui ne le comprennent pas ou le jalousent.

Le concert par lui-même s'est bien déroulé. J'aime bien la tradition des premières parties, quand elles sont bonnes. Ce fut le cas. Les 4 Z et Claude Engel ne réussirent pas à réchauffer un public apathique, mais ce ne fut pas de leur faute. Les spectateurs ne vibraient guère, rien à faire! Pourtant "Fais la fête" des 4 Z commence à être connu, grâce à de fréquents passages TV (Midi chance), et une belle voix accompagnée d'un beau sourire font toujours plaisir. Claude Engel est l'égal des plus grands, bien accompagné il montra sa grande classe. Un seul reproche : le manque de clarté qui nous empêcha de comprendre les paroles, et une sono qui n'amplifiait pas suffisament le violon de Ripoche. Hélas! Claude Engel mérite beaucoup de succès. Seul Marc Bolan réussit à dérider un tant soit peu les spectateurs. Son show est maintenant 100% hard rock. Bill Legend est un batteur d'acier dont la frappe est impressionnante! Steve Currie fait le poids, à eux deux ils assurent vraiment comme des fous.

Marc Bolan arpente la scène en fidèle élève de Chuck Berry, il esquisse même une marche du canard. Il frappe les cordes de sa Gibson Les Paul ou de sa Strato blanche comme un dément, à la Pete Townsend. Son magnétisme est évident. Il traite le public comme une maîtresse soumise, quoique malheureusement un peu amorphe. Il partage d'ailleurs avec le soliste des Who le seul reproche que je puisse lui faire, c'est d'être un rocker dont tous les gestes sont calculés pour l'effet qu'ils auront. Il sait comment manier une salle, rien n'est au hasard, rien n'est vraiment fou. Même la partie Freak out qui suit "Get It On" n'est guère spontanée. "Telegram Sam", "Metal Guru" et "The Jeepster" surent avoir l'impact attendu. Marc ne chante plus "Summertime Blues", Il n'a plus besoin d'emprunter des rocks aux autres, il les écrit maintenant lui-même.

Jean-William THOURY.

Sur la page en regard de celle de T.Rex : une interview de Claude ENGEL. Il y eut deux groupes en première partie ce soir là: les 4Z puis Claude ENGEL... bof!

Jean-William : Tu as assuré, avec les 4 Z, la, première partie du musicorama T. Rex, cela s'est-il bien passé à ton avis ?

Claude: Bien, quoique le public ait été un peu sans réactions. Nous avons joué des rock' n' roll, à la fin de notre set, " Money ", et " Roll Over Beethoven ", dans le but de le réchauffer, mais sans grands résultats. Heureusement les rocks étaient aussi pour nous! Nous nous sommes bien amusés.

J.-W : Michel Ripoche n'était guère avantagé par la sono lors du Musicorama ! Quant aux paroles, elles furent très difficiles à comprendre.

C. : Nous n'avons pas pu vraiment répéter. L'Olympia est très difficile à sonoriser, nous avons couplé notre sono et celle de la salle, mais… Surtout que nous jouons à un volume moins fort que T. Rex !

J.-W. : Tu n'as pas aimé T. Rex ?

C. : Non, pas du tout et je n.hésite pas à le dire! C’est vraiment inintéressant musicalement. Scéniquement cela amuse peut-être les gens, moi cela ne me plaît pas. Il ne se passe rien du tout

J.-W. : Tu nous as dit que tu aimais le rock, est-ce que ce n'est pas du rock ?

C. : C'est pas celui-là que j'apprécie vraiment.

J.-W. : Qu'est-ce qui lui manque ?

C. : Il ne joue pas très bien de la guitare, et comme ils sont très peu nombreux cela ne pardonne pas ! C'est le seul instrument mélodique du groupe

J.-W. : C'est là une vision de guitariste, un peu critique techniquement.

C. : Non, il n'a aucun feeling, vraiment je n'aime pas, Peut-être dit-il des choses intéressantes, mais je n'ai pas approfondi.

J.-W. : Et le public de T. Rex pouvait quand même être le vôtre ?

C. : Je ne sais pas quel est leur public, ni le nôtre, alors…

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